En cette période de fête nationale et de discours du 1er août, je suis interpelée par notre pratique de « Faiseurs de suisses », renouvelée à chaque génération…
Cette semaine, j’entendais l’humoriste « Emil » rappeler sur les ondes de la radio romande le succès inattendu dans les années 1970 du film du même nom. Des deux côtés de la Sarine, les habitants de ce pays, médusés, découvraient dans des scènes épiques et au travers de grands éclats de rire (jaune ?), la manière dont les émigrés italiens ou espagnols, souhaitant acquérir la nationalité de leur pays d’accueil, étaient inspectés par des émissaires des autorités qui effectuaient des visites intrusives dans leur foyer.
Plus de quarante ans ont passé, et les scènes se répètent dans certaines communes. De jeunes candidats à la naturalisation se voient soumis à une salve de plusieurs dizaines de questions, auxquelles nombre de suisses « de souche » ne sauraient probablement pas mieux répondre…
Dans le canton aussi, lors des discussions de la Constituante, entre 1999 et 2002, cette thématique de la naturalisation a soulevé de nombreuses discussions. Je me souviens l’anecdote racontée par un municipal d’une petite commune :
« Au cours de l’interrogatoire d’un candidat à la naturalisation devant la municipalité au grand complet, l’un de mes collègues demande qui est le président de la confédération. Le candidat répond sans hésitation, et reçoit les félicitations de l’ensemble du collège. Or, le nom donné était celui du président de l’année passée, mais aucun des édiles ne s’en est aperçu ; j’ai naturellement gardé le silence, la personne a reçu le feu vert pour la suite de ses démarches… »
Si nous étudions les patronymes de notre région, de notre canton, nous constatons rapidement que rares sont les familles natives de ce coin de pays depuis la nuit des temps. Combien d’entre elles sont-elles fières d’être arrivées de France suite à la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 et à l’interdiction du protestantisme en France ?
Des vagues successives d’immigration ont enrichi la population vaudoise et suisse. Mais n’oublions pas que la misère a poussé des milliers de nos compatriotes à quitter le pays pour raison économique ; ils ont émigré aux Etats-Unis, en Amérique latine, au Canada au cours du XIXe siècle, où ils ont acquis la nationalité. Le XXe siècle a vu la tendance s’inverser et la situation économique prendre un essor florissant, auquel l’arrivée des italiens, des espagnols et portugais ont largement contribué.
Lorsqu’il s’agit d’octroyer la naturalisation à nos voisins, nos collègues de travail, les camarades d’étude de nos enfants, habitant depuis de nombreuses années à nos côtés, participant à notre société et à son essor, n’oublions jamais que l’Histoire est faite de migrations incessantes. Notre droit de « natif » n’est pas de juger l’autre, mais de l’accueillir au mieux en contribuant à son intégration. Ainsi le 1er août sera-t-il porteur d’espoir pour notre pays !
Josiane Aubert, ancienne conseillère nationale, la Vallée