Initiative « Sauvez l’or de la Suisse » : une dangereuse fausse « bonne idée » !

Lancée par les milieux proches de l’UDC, l’initiative « Sauvez l’or de la Suisse » exige de la Banque nationale de stocker toute sa réserve d’or en Suisse et de détenir au moins 20% de ses actifs sous la forme d’or. De plus, elle interdirait toute vente d’or suisse dans le futur.

Indépendance menacée : Aujourd’hui, notre Banque nationale peut agir en toute indépendance et accomplir sa mission : protéger le franc suisse, préserver la stabilité des prix et assurer de bonnes conditions-cadre pour l’économie. Depuis les années 1970, l’or a perdu de son importance et d’autres instruments l’ont en partie remplacé. L’initiative sur l’or met des chaînes à notre Banque nationale. Dans les conditions actuelles, pour satisfaire les exigences de l’initiative, la Banque nationale serait contrainte d’acheter pour plus de 60 milliards de d’or. Comme cet or ne pourrait plus être revendu par la suite, comme l’exige l’initiative, il ne pourrait plus être utilisé comme instrument de politique monétaire, pour protéger le franc d’une évolution dangereuse par exemple. C’est un peu comme si l’on équipait un immeuble d’un extincteur dont l’utilisation serait ensuite interdite. C’est absurde.

Places d’emploi en danger : En 2011, le franc ne cessait de s’apprécier par rapport à l’euro. En quelques mois, les produits suisses se sont massivement renchéris à l’étranger – une catastrophe pour une industrie exportatrice florissante et le secteur du tourisme. Dans l’arc jurassien, le secteur horloger et ses ramifications sont spécialement sensibles aux conséquences d’une valorisation démesurée du franc. Ce n’est que grâce aux interventions décisives de la Banque nationale que le pire a pu être évité. Depuis septembre 2011, la Banque nationale défend avec succès un taux de change plancher de 1,20 franc pour un euro. Les entreprises peuvent ainsi travailler, planifier leurs activités et investir avec confiance. Avec les règles rigides de l’initiative sur l’or, cela ne serait plus possible.

L’or, un placement financier volatil : Les réserves d’or de la Banque nationale sont élevées en comparaison internationale. Il n’y a rien à y redire et leur vente n’est pas à l’ordre du jour. L’or est un élément important d’un dispositif anticrise judicieux. À cela s’ajoute que les réserves d’or ne sont pas toutes stockées au même endroit. Aujourd’hui, une partie de l’or se trouve en Grande-Bretagne et au Canada. C’est le seul moyen de garantir que la Suisse puisse, en cas de nécessité, vendre son or sur différentes places boursières. À long terme, le prix de l’or fluctue fortement. La Banque nationale en a d’ailleurs fait l’amère expérience l’an passé. En raison de la baisse du prix de l’or, elle a enregistré 15 milliards de francs de pertes. Obliger la BNS à tout miser sur l’or, c’est prendre un risque considérable.

Trous financiers pour les cantons : La Banque nationale suisse appartient à tous les Suisses. Sur la durée, elle a toujours dégagé des bénéfices. Un tiers de ceux-ci vont à la Confédération et deux tiers aux cantons. Ce sont donc surtout les cantons qui comptent sur cette manne. Le prix actuel de l’or est très élevé en valeur historique et il peut fluctuer fortement. De plus, l’or ne dégage pas de rendement. Le risque de pertes est donc très important, d’autant plus si la Banque nationale est contrainte de maintenir des stocks d’or qui dépassent ses besoins. En cas de perte, la Confédération et les cantons en paieront le prix. Les cantons devront compenser les sommes manquantes, soit par des hausses d’impôts, soit par des exercices d’économies.

Pour toutes ces raisons, il est important de refuser l’initiative sur l’or de la Banque nationale le 30 novembre prochain.

Josiane Aubert, ancienne conseillère nationale